Lettre #39
Il suffira, tu vois, que j’essaie de t’écrire cette lettre (essayer seulement).
Que j’essaie de t’écrire, quand tout s’arrête.
Que je laisse l’eau jaillir, quand tout est sec.
Que je me fasse cueillir, quand le désir guette.
Car le désir guette…
Prends garde, mon coeur se ferme gronde. Prends garde et souffle sur les braises. Ça fait longtemps, je sais, qu’on ne s’est pas parlées toi et moi mais de tout l’été je ne t'ai pas oubliée. Tu étais là, dehors, tu étais là, dedans.
J’entends gazouiller les mots doux dans l’impasse.
Prends place, mon amour, j’ouvre l’espace.
Il parait que je voulais connaitre les astres pour comprendre d’où tu viens.
Il parait que je voulais voir loin, très loin pour faire de toi le plein.
Il suffira, tu vois, que j’essaie de t’écrire cette lettre (essayer seulement).
Je me suis dit que du bleu remplirait ces pages. Qu’avec les vagues je pourrais ressentir mon ventre et tout ce qu’il y a dedans. Alors je reste là et j’observe. Il n’y a qu’en trempant que je vibre. C’est tout saturé de sel et d’amertume. Je lance un hameçon vers les mots et je pense au combat contre ma panse engagé. Je cherche l’entrée. L’interstice où tu t’immisces.
Y’a toutes ces feuilles mortes qui dégringolent dans ma rue pendant que moi je songe au fait que je ne serais jamais lue…
C’est comme l’histoire que je me racontais petite: si on réalise son rêve, alors son rêve ne sera plus un rêve, et la réalité sera-t-elle à la hauteur ?
Il suffira, tu vois, que j’essaie de t’écrire cette lettre (essayer seulement).
Comme ça on découvre ensemble, ce que j’ai dedans.
Et lentement je coule, je coule, je coule…